PRESSE

ERIC CHOMIS

Article de René Quan-Yan-Chung, paru dans Univers des Arts, n°60 – Juin 2001

Derrière une peinture, il y a un être. Et la vérité de cet être fait la vérité de sa peinture. Il y a beaucoup de belles oeuvres de par le monde et depuis son commencement, mais pour autant nous disent-elles encore quelque chose, sur le registre de la création, de l’authenticité, de la beauté et de la poésie, de l’ETRE (qui suis-je? qui es-tu? qui sommes-nous?), de la communion des ETRE(S)?

Quand on regarde une oeuvre d’Eric Chomis, l’esprit critique -et non pas chagrin car à celui-ci l’oeuvre parle pas- peut bien embrayer sur les considérations habituelles et de circonstance : beaucoup de couleurs non pas alignées, juxtaposées mais mêlées, liées, enchevêtrées. Non pas un feu d’artifice mais une confusion de couleurs et ce n’est pas si mal car le peintre joue bien, comme on le dit de la musique, de ce registre. Eric Chomis, alchimiste de la couleur et qui dégage du visuel – ce qui est normal pour un peintre – mais qui nous engage en plus – et c’est ce qui est curieux dans une autre dimension, celle de la musicalité. Dire que sa peinture chante, c’est trivial. Il est plus correct de dire que sa chimie de la couleur égrène et développe une sorte de partition musicale : aux tâches de couleur correspondent autant de notes de musique. Musique toute intérieure et non pas criarde, symphonique et non pas agressive, contemplative et non pas phénoménale, ludique et non pas érotique.

Dans ses toiles autant de tâches de couleur, autant de notes musicales, mais c’est notre oeil qui, parcourant le tableau “entend” la musique de sa peinture ou “enregistre” la partition de sa peinture. Une peinture qui dans sa diversité, dans sa mixité, dans sa densité, dans son exubérance est enchantement du regard, fait la part belle au rêve: mais aussi qui est complicité, partage entre l’expression du peintre et l’impression de celui qui regarde, rencontre dans ce qui dépasse et l’un et l’autre…

Faut-il reprocher à Eric Chomis la luxuriance, la débauche de détails dans ses toiles? A trop mettre, à trop raconter – car sa peinture est également récit, narration – ne risque-t-on pas d’être submergé, de se perdre? Non! Car si sa peinture nous parle, elle ne bavarde pas, elle ne se perd pas dans ces paroles verbeuses, elles ne nous égare pas. Tous ces détails sont autant d’annotations dans un parcours pictural, sont autant de notations musicales de son récit pictural.

En fait, ces détails et leur nombre sont ces témoins à nous nécessaires pour suivre le peintre dans son parcours, dans son monde intérieur – les traces du petit Poucet et la joie d’Alice au pays des merveilles -, le peintre Eric Chomis à l’aide de nombreux indices éparpillés, collectés, rassemblés, alambiqués, nous guide à sa suite dans ses terres – innocence, émerveillement, bonheur de la découverte de mondes inédits; désir, joie et passion dans le partage de son expérience, de sa pratique et de la vie et de la peinture. Tout ce qui fait être, qui dégage le mieux-être n’est-ce pas là l’être du peintre dans sa peinture de l’être?

Eric Chomis, par les alchimies de sa palette, dans la peinture acoustique de son monde intérieur, par l’illustration détaillée et luxuriante de son parcours où le peintre nous entraîne à sa suite et où l’artiste nous partage son identité, nous fait naître, à tout le moins nous induit au seuil de l’être. Par delà la vivacité des couleurs, leur chatoiement, il nous invite à plus de simplicité; en dehors du brouhaha de la vie, à plus de recul et de paix; en dépit des sinuosités, des détours, des errements, à rejoindre le long cours tranquille et joyeux de la vie à découvrir, à inventer et même à rêver, à n’être qu’à l’être en quelque sorte.

René Quan-Yan-Chung