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ERIC CHOMIS PAR LUI-MÊME

J’ai travaillé pour arriver à la simplicité d’une peinture joyeuse et innocente, celle que je portais finalement depuis toujours en moi. En effet, je passe le plus clair de mon temps à tenter de faire, le plus sérieusement du monde, une sorte de dessin d’enfant. J’essaye de retrouver l’élan premier de la création enfantine. Je recherche la spontanéité des formes, des couleurs et de la matière. La surface blanche de la toile, les pigments et la consistance de la peinture à l’huile conviennent tout à fait à ma démarche. Pourquoi aller chercher d’autres artifices pour retrouver cette expression première, voire primale ? J’utilise par contre toute mon énergie et mon travail d’adulte pour chorégraphier mon tableau comme un Bonnard ou un Bruegel, si j’ose dire. Je veux qu’il devienne de l’art, de la poésie pure. En tous les cas, c’est ma tentative.

Dans ma peinture, il ne s’agit que de paysages intérieurs et imaginaires qui n’ont de lien avec la réalité que dans leur attache affective au monde. Je constate que mon univers respire le bonheur, la naïveté et l’innocence ; parce qu’il parle du paradis. Ce merveilleux paradis perdu, celui de la toute petite enfance où, comme le dirait Baudelaire “tout n’est que luxe calme et volupté”. Pour réaliser une toile je démarre toujours de la matière. D’un premier jet de matière. Elle sera le squelette, la colonne vertébrale de mon récit. Je dépose la peinture de façon aléatoire. Je façonne une surface chaotique qui sera le champ de mon imaginaire.

Je compare cela aux parois d’une grotte, et je suis l’homme préhistorique qui va y déposer ses signes. C’est à nouveau cette approche primale de l’art que je recherche. Lors de cette première intervention sur la toile, ce n’est pour moi que le règne de la peinture en tant que substance. Durant cete période, du reste, je n’utilise que du blanc. Je le laisse sécher pour arriver à une véritable carapace.

Sur cette croûte plus ou moins épaisse, voire inexistante à certains endroits de la toile, je vais construire, dans une certaine ivresse, les prémisses de mon tableau, sa trame mélodique. Je fais alors fonctionner ensemble couleurs, matière et formes. C’est ce que je nomme le swing de mon tableau.
Viennent ensuite les paroles. Il s’agit du sujet graphique de ma toile. Ce sujet tourne toujours autour, malgré moi, de ces fameux paysages rêvés et intérieurs. Ceux de l’enfance.

Enfin, il y a une longue période où je vais reprendre de nombreuses fois mon ouvrage. C’est ce que j’appelle les arrangements. Je vais enlever, rajouter des éléments, jusqu’à ce que j’arrive à quelque chose qui dégage une certaine présence. Parfois, il m’arrive de me retourner sur mon passé. Et depuis mes premiers souvenirs d’enfant, les mains trempées dans la peinture à l’école maternelle, jusqu’à aujourd’hui, je me dis qu’il y a une sacrée cohérence dans ma vie.

Eric Chomis